L’expérience vécue du temps est un moulage en bronze de la souche d’un arbre planté le jour de la naissance de l’artiste, par sa grand-mère, dans le jardin familial. L’arbre a ensuite été ravagé par une maladie, l’année même du décès de sa grand-mère. À la manière d’une fouille archéologique, Roch-Cuerrier a commencé à déterrer ses racines, dans le but de les immortaliser. Le projet est à la fois une élégie à son aïeule et une mesure fossilisée de sa propre vie. En cristallisant la durée de vie de cette forme vivante, elle cherche à explorer la possibilité de matérialiser l’expérience vécue et ressentie du temps.
À l’automne 2016, Roch-Cuerrier a déterré progressivement la souche sur une période de plusieurs mois. Un aspect performatif est attaché à cette action: dans la physicalité de la tâche et la répétition du geste. Un contact intime se crée avec l’objet lors du déterrement: la fragilité de l’objet et l’exiguïté du trou qui l’entoure ont nécessité un ralentissement de son processus. Il y a une importance du rythme et du passage du temps dans la pratique de Roch-Cuerrier: cela fait partie de son questionnement. Il y a une qualité méditative associée à la répétitivité de l’acte de creuser. Ce fut un moment d’introspection au cours duquel Roch-Cuerrier commença à questionner sa perception de la durée: son expérience vécue et ressentie du temps.
Différentes temporalités se rencontrent dans cet objet: sa propre vie, la vie de sa grand-mère et la vie de l’arbre. L’objet est également intriguant du point de vue de sa forme et de son rapport à l’espace. Les racines d’un arbre évoluent et poussent sous terre; nous sommes conscients de leur présence, mais nous ne pouvons que les imaginer. En déterrant les racines de cet arbre, depuis toujours présentes dans le jardin familial mais jusque-là invisible, c’est une spatialité insolite qui est mise au jour. L’expérience vécue du temps explore l’idée de spectralité: le point où le matériel et l’immatériel, le réel et l’imaginaire se rencontrent.


Vue d’installation, Croissance/Growth, galerie Division, 2018