Démarche

De nature multidisciplinaire, la pratique de Julie Roch-Cuerrier s’intéresse au passage du temps comme sujet vivant, et aux processus temporels et transformationnels de la matière brute. Dans son travail, les matériaux sont porteurs de sens et invitent le regardeur à poser un œil attentif sur le monde qui l’entoure. Son processus prend la forme de recherches, à la fois tangibles et conceptuelles, qui regroupent expérimentations pigmentaires, moulages en bronze, macrophotographies et projets de correspondances écrites. Imprégnées d’un regard poétique, ses œuvres témoignent de processus de rencontres et de transformations desquels émergent différentes manières d’être. Influencée par les théories néo-matérialistes, elle questionne l’agentivité des objets, l’aspect transitionnel de la matière, et les espaces où se croisent le vivant et le non-vivant. 

Les recherches de Roch-Cuerrier portent essentiellement sur le potentiel d’interprétation et de reconfiguration du temps. Ses œuvres réfléchissent à la possibilité de matérialiser le temps, en soulignant l’intime sensation que nous pouvons avoir de la durée. Dans ce travail, elle incorpore des processus biologiques dynamiques et métamorphiques comme partie intégrante de ses compositions. Ces expériences témoignent à la fois d’une acceptation de l’imprévu et d’une fascination pour le vivant. Imaginées comme des rencontres contemplatives, entre les matières et les êtres, ses œuvres visent à engager le public dans une expérience de longue durée, qui évoque l’idée d’un rythme de temps partagé. 

Dans ses œuvres récentes, Roch-Cuerrier approfondit ses expérimentations à travers le concept de la corespiration, qu’elle tente de matérialiser à partir du verre soufflé. Ses recherches se tournent vers une unité de mesure du temps particulière et unique à chacun : l’acte de respirer. Le mot co-respiration évoque pour elle un dialogue ou une relation intime, un événement silencieux, mais fondamental, dont le préfixe implique une collaboration avec l’autre. L’acte de corespirer illustre parfaitement l’expérience intime de l’altérité vécue au quotidien dans le contexte social et urbain. Devant l’impossibilité de concevoir une corespiration dans le présent, Roch-Cuerrier tente d’imaginer, à travers la proximité et l’interaction de formes soufflées, un futur dans lequel l’autre est plus proche. 

Julie Roch-Cuerrier, vue d’atelier, 2020